Conclusions

Ce que voulait d’abord montrer cette analyse, c’est que le récit, dans ses étapes cruciales, peut se résumer sans quitter le fil thématique /pilosité/, et autres isotopies (ou isosémies) qui forment un faisceau avec celle-ci. Cela démontre la " pertinence " – mot aujourd’hui galvaudé – de cette unité sémantique, laquelle s’avère ainsi une entrée de choix dans la cohésion textuelle. Par un agrégat de sèmes récurrents autour de celui-ci, le contexte narratif (voire à certains moments argumentatif) a conféré un sens au détail descriptif qui, en soi, hors genre, roman et autre forme de discours, est peu significatif, voire insignifiant.

Les parcours interprétatifs ont permis de dégager deux molécules sémiques antithétiques, opposées mais non exclusives à l’image de l’actant Bullit dont le physique opère une inversion dialectique de l’une à l’autre. Le sème /pilosité/ – diversement lexicalisé de ‘cheveux’ à ‘toison’, etc. – est donc clivé de la façon suivante :

/sèche/ /mouillée/
/euphorie/ /dysphorie/
/touffu/ /plaqué/
/curviligne/, /souple/ /rigide/
/douceur/ /violence/
/dynamisme/ (/statisme/)
/inchoatif/ /cessatif/
/intensité/
/harmonie/ /disharmonie/
/émotion/  
/sens tactile/ /sens visuel/
/isolement/ /vie sociale/
/liberté/ /contrainte/

Gloses justificatives :

On observe une corrélation entre thématique et dialogique : en effet, la molécule euphorique est d’autant plus valorisée qu’elle fait souvent l’objet d’une modalisation épistémique (" je vis ", " on voyait ", " est-ce qu’on ne croirait pas " + /pilosité/), et n’est pas simplement assertée. Elle relève du point de due doxal du narrateur – qui trouve beau ce qui est doux, incurvé, commençant, émouvant, libre, etc. – lequel contrebalance les valeurs paradoxales, déraisonnables voire irrationnelles, énoncée par la jeune héroïne.

En outre, elle est bien plus récurrente et représentée que la seconde. Une dominance qui justifie que l’élève perçoive ses composants au fil du texte, sans forcément entraîner l’actualisation du sème /pilosité/.

Elaborer ainsi le thème spécifique d’un détail physique – mais qui est loin d’être négligeable dans le cadre du roman et du genre animalier – ne constitue qu’un point de départ. Il s’agit d’une restriction qui est dans la méthode retenue, non dans l’objet d’étude. Elle n’empêche nullement que le sémantisme que nous avons identifié soit réitéré, tout au moins partiellement, à travers d’autres thèmes.

La sémantique textuelle a partie liée avec le Structuralisme, quelles que soient les distances prises vis-à-vis de cette idéologie des années 70-80. En témoigne encore la lecture que nous pratiquons par rapport à celle, sémiotique, de J. Courtés sur le même sujet (cf. infra). En privilégiant le niveau lexical et l’organisation linéaire du contenu, nous nous rangeons volontiers dans la tradition de l’analyse à la Riffaterre, concernant le fameux sonnet des Chats (1991 : 329-352). Rappelons qu’elle donnait la priorité au relevé des récurrences et à l’objectivation progressive du sens en contexte, contrairement au parangon de la méthode structurale que devint l’étude illustre, préalable et concurrente de Jakobson & Lévi-Strauss.