Deuxième journée - II, 1-4

T1 négatif :

L’inversion dialectique lors du second réveil est exprimée par "ce n’était pas un merveilleux petit singe qui se penchait cette fois sur mon réveil, mais Bogo", soit le triplet /inchoatif/ + /duratif/ + /dysphorie/ : "Mon corps était raide, meurtri. […] Je maudissais chaque instant davantage la décision qui me retenait dans le Parc Royal." Par un effet de sa versatilité, JE perçoit maintenant son acte de libération comme un emprisonnement.

T2 positif :

Or la personne initiatrice attendue la nuit précédente (I, 14) vient enfin : il s’agit de Patricia, qui va pouvoir renouer l’amitié avec JE maintenant qu’il est conjoint à /duratif/. Elle neutralise les sèmes /disharmonie/ + /dysphorie/, puisque JE croyait déranger, et avoue à la jeune fille : "ce que vous m’annoncez me réjouit beaucoup". Bref, elle dissipe une nouvelle erreur. Ce sème /cognition/ est réitéré quand elle ajoute : "je voudrais savoir pourquoi vous êtes resté […]. - A cause de King, dis-je. […] - je savais bien", conclut-elle. En outre, elle ne trahit pas sa "décision secrète" sous-jacente au départ en voiture qu’elle organise vers la brousse…

N.B. : Cette fonction narrative du déplacement – comme bien d’autres, que nous n’avons pas relevée – n’est pas discriminante car elle n’introduit pas de rupture au sein du groupement sémique étudié.

Seul avec elle, la suivant, JE a "l’impression d’une rencontre, d’une alliance en dehors de la condition humaine" et d’"un équilibre enchanté".

Paradoxalement, dans ses caresses de la bête dangereuse, la peur qu’éprouve JE et la "folie" que lui transmet Patricia sont valorisées – comme on sait – ; elles sont intégrées par l’initiation progressive (/duratif-itératif/) à l’amitié avec le terrible fauve. Celle-ci relève d’une sorte d’ histoire d’envoûtement merveilleux ("j’étais comme exorcisé d’une incompréhension et d’une terreur immémoriales"), selon la volonté de la magicienne qui métamorphose à son gré son lion fétiche. Complicité qui se traduit par la douce violence de leurs jeux, dont l’emblème est l’oxymore "fléau moelleux", caractérisant la patte de King.

T3 ambigu :

Après la disjonction spatiale et actorielle de JE vis-à-vis de ce couple, il faut l’obstacle terre-à-terre d’un troupeau Masaï sur la route pour que cesse l’enchantement : "Ils me rendirent enfin à la conscience de ce qui m’environnait." Mais le sème /cognition/ ne se lie que temporairement à la dysphorie car en soirée l’harmonie est retrouvée avec le couple Bullit lors de la séance photos " rétro " qui révèle le temps de l’osmose révolue, celui du lionceau materné, possédé, et inversé en un temps actuel où le Lion a acquis la "pleine liberté". De là le changement d’humeur : "Pour un instant, le visage de Patricia, si paisible ce soir, retrouva la violence que je lui avais vue dans le cirque de brousse". Mais l’ambiance ne se dégrade pas en famille, comme lors de la première soirée : "Patricia se pressait contre elle et Sybil caressait les cheveux en boule." (II, 3)

N.B. : Aspectuellement, la succession des clichés impose /itératif/ ("cela lui arrivait souvent", "de temps à autre elle soupirait", "geste répété") par opposition à /duratif/ dominant dans la précédente scène singulative de T2.

Autre disjonction spatiale et actorielle, après le retour à sa hutte, JE est de nouveau indexé à la paire /cognition/ + /disharmonie/ car les atermoiements des Bullit l’ont laissé perplexe : "Une paix et une douceur si unies, si étales ne répondaient pas, me disais-je à la vérité des êtres réunis sous ce toit. Eaux faussement endormies, dangereuses, malsaines. […] J’avais les nerfs à vif." Mais une nouvelle conjonction actorielle – la venue amicale de John chez JE – rétablit /harmonie/ car il explique la nécessité pour sa fille de continuer à avoir ses "rendez-vous" avec King (en éludant la question gênante : "Est-ce que King a lionne et lionceaux ?") Le connaisseur des animaux tait ce qu’il redoute : la loi de leur instinct qui éloignerait le fauve des humains.

L’évaluation positive demeure par une autre conjonction actorielle : la douceur de Patricia et de son singe, venue inviter JE pour une nouvelle complicité "à l’aube"; soit le retour de la paire /inchoatif/ + /itératif/.