Un fil conducteur pour la lecture du Lion de Kessel

Ce texte est la version remaniée d’un article paru dans La Lecture Littéraire, 2 (1998 : 171-188)




Le résumé du roman

1. Détail de l’application

2. Conclusions

3. Dialogue avec l'approche sémio-linguistique du Lion

4. Epilogue : thématique et didactique

Problématique et portée pédagogique

Une question ne manque pas de se poser à qui veut comprendre le fonctionnement d’un texte, après en avoir eu une vue globale : comment se construit un thème autour de mots frappants par leur insistante réitération ?
Les relations sémantiques qu’ils suscitent dans les contextes où ils apparaissent seront appréhendées au travers de la théorie componentielle de F. Rastier. Techniquement, ce sont les sèmes du signifié de ces mots qui permettent de constituer leur contenu thématique.
L’étude s’insère dans une didactique du texte littéraire, auquel s’applique une sémantique linguistique, dont l’efficace n’est plus à prouver. Prenant pour objet le Lion de Joseph Kessel (roman à succès de 1958 qui valut à l’auteur son entrée à l’Académie Française en 1962), soit pour le collégien, un épais roman de 300 p. environ à qui il est traditionnellement destiné, une telle lecture vise à produire un sens, dans sa progressivité, car elle tire le fil d’un thème. Celui-ci se fonde sur des réitérations lexicales – sans pour autant prétendre à l’exhaustivité, laquelle alourdirait le relevé des occurrences – qui font appel à l’intuition : c’est en effet à partir d’elles que l’élève doit établir de façon inductive et comparative des relations sémantiques dont la portée globale dépasse la situation locale des mots considérés. C’est là tout l’enjeu d’une telle approche. Par exemple, le collégien prend conscience que des actants du récit a priori éloignés, à la fois par le sens et la distance dans le texte, peuvent relever d’une même catégorie. Cette organisation thématique qui les sous-tend entre pour bonne part dans la lisibilité de ce roman.


Les bonds sémantiques du Lion


La thématique et l’analyse narrative ne sont séparées que
par de mauvaises raisons académiques
. (F. Rastier, 1989 : 61)


Le texte qui suit est un remaniement de l’article – concernant la dialectique du récit publié lors des Actes du colloque consacré à Joseph Kessel (Avril 1998, Université de Nice, dir. Alain Tassel)

Si dans ce roman le type et la multiplicité des rebondissements narratifs sont caractéristiques du récit d’aventures, nous les abordons ici du point de vue sémantique. Qu’entendons-nous par là ? Il ne s’agira pas de résumer de façon désormais classique le contenu des acteurs en articulant leurs rôles avec les fonctions narratives (ex. interdiction, contrat, lutte, etc.), ni de décrire de façon achronique le jeu des contraintes sémantiques du récit, mais bien d’observer la manière dont s’opèrent les transformations de contenus. Ce faisant, on ne négligera pas leur modalisation, d’autant plus présente que le récit est rapporté par un JE, identifié à un reporter, dont l’aventure durant une semaine dans la brousse met au premier plan sa vision, sa réflexion, ses émotions. Il s’agit là d’une simplification volontaire : ne distinguant pas le JE se souvenant du JE pris dans les actions passées, on n’étudie donc pas les décalages de savoir, épistémiques, entre JE-narrateur et JE-acteur.
Le fait qu’il soit témoin central, intrigué par le mystère de la famille Bullit et de la vie sauvage, confère à ses sentiments positifs et négatifs et aux contenus ainsi évalués une portée bien plus structurante qu’aux séquences de ses actions. Dans la terminologie de S/Z on pourrait dire que les codes de la Personne et de la Vérité priment sur celui des Comportements (i. e. proaïrétique).
L’ensemble tend à démontrer la manière dont les processus dialectique et dialogique affectent la composante thématique.

Si l’on a coutume de définir le récit en sémiotique par la structure élémentaire, où le thématique est réparti selon un ordre temporel :

Avant (T1) : contenu posé vs Après (T2) : contenu inversé,

ce modèle simpliste apparaît comme trop réducteur pour définir le type narratif. Une telle définition est en effet minimaliste puisqu’elle fait abstraction de la "médiation" supportée par des acteurs (cf. Rastier, 1989 : 137). Nous cernerons au contraire la multiplicité des inversions – selon un critère évaluatif et en reconstituant ces moments dialectiques – qui s’appliquent à différents contenus des acteurs du roman étudié. Une observation liminaire s’impose : conformément à la progression dramatique du récit d’aventures, le rythme du Lion va s’accélérant puisque sur ses deux parties à peu près équivalentes en pages et en chapitres (I, 14 ch. ; II, 15 ch.), la première s’étale sur une seule journée alors que la seconde en recouvre six. En parallèle et dans un lieu distant, ce laps de temps durant lequel JE s’instruit au contact de la famille Bullit coïncide avec celui du campement de la redoutable tribu Masaï. Analyse de la semaine :

J. 1 - J. 2 - J. 3 - J. 4 - J. 5 - J. 6 - J. 7 

Conclusions (a) - Conclusions (b)

Eléments pour une comparaison du contenu des récits de Joseph Kessel : l
a nouvelle Vent de sable comparée au Lion